Danaé balaya l'air d'un coup de queue rageur. Malgré le différent qu'ils avaient eu entre Break et elle la veille, elle lui avait dit qu'elle viendrait, alors elle venait. C'était autant pour lui montrer qu'elle tenait parole que pour le tester. Si lui ne venait pas ... eh bien tant pis. Elle n'irait pas le chercher. Elle n'irait plus le chercher. Et s'il venait ... la suite reste encore trop imprévisible. Tandis qu'elle marchait en direction de la Montagne Fertile, elle ne put s'empêcher de penser à "la suite". À imaginer toutes les hypothèses possibles. Peut-être qu'il ne viendrait pas et qu'elle partirait. Peut-être qu'il viendrait mais ne se montrerait pas, auquel cas il aurait raté sa chance. Peut-être qu'il viendrait tout de même, enveloppé dans sa fierté, pour lui demander de partir, tout comme elle l'avait chassé la veille. Pourtant, elle n'avait pas eu l'impression d'avoir eu un rancunier en face d'elle. Mais elle avait aussi cru qu'il comprendrait qu'elle mette fin à leur rencontre, et s'était trompée. C'était compliqué. Bien trop compliqué.

Arrivée au pied de la Montagne, elle se posa, et attendit. Elle était en avance, la rancoeur avait accéléré son pas. Il faudrait attendre. Et même peut-être attendre pour rien. Ou attendre pour se faire jeter. Plus sa allait, moins ça allait justement. Le fait d'être seule et de ne rien faire faisait resurgir ses hypothèses, et cogiter à propos de choses mauvaises n'est pas toujours bon pour le moral. Plus le temps passait, plus son humeur se dégradait, elle était carrément à cran. Elle avait envie de crier sur tout et n'importe quoi, même sur la gerbille qui grignotait derrière le buisson. Serrant les dents, elle était à deux doigts de repartir. Mais midi n'était pas encore arrivé, et en elle, quelque chose lui disait que si elle partait maintenant, elle ne saurai jamais "la suite".

Alors elle essaya de penser à autre chose. Faisait de petits tours sur elle même, reniflait le sol, s'éloignait quelques minutes, pour revenir au petit trot. Tout était bon pour essayer de lui faire penser à autre chose. Et ça commençait à fonctionner. Elle ne regardait même plus le soleil pour savoir si l'heure approchait, trop occupée à gratter le sol pour déterrer des cailloux dans lesquels elle pourrait donner un coup de sabot. Le temps ne comptait plus. Sa colère non plus.

Bien sûr qu'il viendrait. Bien sûr, qu'il serait là. Même si ça devait blesser son orgueil. Même si ...

Et d'ailleurs, pourquoi avait-elle réagi comme cela ? Pourquoi était-elle devenue si froide, si ... Pourquoi l'avait-elle rejeté de cette sorte ? Parce que oui, de part l'attitude dernière de la douce rouanne, il s'était senti rejeté. Tout s'était pourtant si bien passé. Break n'avait eu de cesse de s'interroger sur elle, sur la fin de leur rencontre et puis, sur tous les gestes quelque peu intimes qu'ils avaient partagés, parfois. Alors pourquoi ? Oui, il en avait été blessé. Oui, peut être, qu'il avait exagéré. Mais bon, il était comme ça. Il n'avait pas compris "l'humour" de Danaé sur ce coup là. Elle l'avait brusquement jeté. Voilà tout. Elle lui avait dit de partir, si violemment, dans ses gestes, dans sa voix. Tant de froideur. Et lui, n'avait pas compris.

Le doré marchait au bas de la montagne fertile, remuant de sombres pensées, de sombres interrogations ... Et puis, des plus douces et plus ... Sucrées.
C'est donc perdu quelque part autour de Saturne, qu'il passa à côté de Danaé, sans la voir. Grossière erreur. Oh oui, grosse faute.

Break ne daigna même pas relever la tête. En réalité, il avait surement oublié où il se trouvait. Et vers où il était censé aller, et même s'arrêter. Complétement dans sa bulle, le regard perdu dans le vague, porté vers le sol, les oreilles tombantes, sur les côtés, un visage sans sourire. Perdu.

Il continua donc son chemin, n'ayant pas senti l'odeur de la jument. D'ailleurs, il fallait dire qu'il ne sentait plus rien. Et n'entendait plus vraiment non plus. Il pensait, voilà tout. Il pensait ... Surement à celle qui se trouvait à côté de lui, à ce moment même.

Danaé ne put s'empêcher d'afficher un sourire doux quand Break arriva, comme perdu dans ses pensées. Finalement, il était venu ... Elle aurait voulu se coller contre le doré, et passer ses naseaux dans ses crins, mais avant, il lui semblait qu'un peu de discussion ne ferait pas de mal. Elle avait déjà réfléchit à ce qu'elle dirait en premier, s'il venait. "Tu n'es pas si rancunier que cela à ce que je vois". C'était une bonne phrase. Mais tout tomba à l'eau lorsqu'il passa, indifférent, devant elle. La queue et la tête basse, faisant comme s'il ne l'avait pas vu. Le sourire de la rouanne s'évanouit. Il le prenait comme ça ? Grrr !

La colère qui s'était éteinte l'espace d'un instant revint, plus vive encore. Finalement, c'était elle, la rancunière. Ça ne se passerait pas comme cela ! Si lui voulait abandonner, elle, ne le ferait pour rien au monde. Du moins, pas encore. Il commençait à s'éloigner, toujours à l'air perdu et triste. Il fallait agir, et vite. Le vent allait de le sens de la marche de l'étalon, et elle risquait de le perdre. De perdre sa trace. Réfléchissant à toute vitesse, elle le suivit, à vive allure. Une idée germa dans son esprit, et elle le dépassa, d'un pas plus rapide encore. Danaé colla sa croupe devant les naseaux du doré et tourna la tête vers lui.

- Tu me vois maintenant ? dit-elle, d'un ton presque agressif

Vexée mais presque incapable de lui en vouloir, elle se tourna entièrement, et sa croupe quitta le nez de l'étalon comme une souris devant le museau d'un renard. Elle colla sa tête contre l'encolure du doré, et se frotta à lui pour s’imprégner de son odeur. Presque brutale, son "étreinte" était si intense qu'elle arrivait à le pousser en arrière. Inspirant son odeur de façon rapide et bruyante, l’oxygène commença à lui monter à la tête et, presque ivre, elle reposa sa tête contre le garrot de Break. Les yeux fermés, elle crut un instant qu'elle allait défaillir.

- Tu n'avais pas le droit. De ne pas me voir.

Break s'arrêta brusquement. Quelque chose de bien rond, de bien musclée, venait de lui barrer la route. Il avait juste eu le temps de relever la tête, pour ne pas se faire écraser le visage par une belle paire de fesses. Sans comprendre le pourquoi du comment, il dut reculer. Sans voir grand chose, puisque tout se passait très vite, il dut s'arrêter de nouveau. Ce ne fut que là, qu'il put voir que Danaé était tout contre lui. Break se remémora alors ce qui venait de se passer, retombant sur terre.

La chose bien ronde, c'était forcément la croupe de la rouanne. Fallait dire qu'on ne pouvait pas passer à côté. Danaé avait de belles formes ... Bref. Il avait donc du s'arrêter. Ensuite, elle s'était retournée, dans un tourbillon de crins, et l'avait poussé. Enfin, poussé ... Elle s'était plutôt collée brusquement contre lui, le poussant par la même occasion, tellement elle y avait mis de la force et de la conviction. Maintenant tout était calme.

Break sursauta quelque peu, revenant à lui. Ne sachant que faire, il passa son encolure au dessus de celle de la jument et la pressa un peu contre lui.

- ... Je suis désolé.

Bien sûr, il savait que cela ne suffirait pas. Il devrait le démontrer plus tard, le lui prouver. Mais, c'était une façon de montrer à Danaé qu'il regrettait. Il était tellement perdu dans ses pensées, qu'il n'avait même pas vu l'objet de ces pensées. C'était tellement idiot. Break attrapa une mèche de crinière de la rouanne et la mordilla machinalement.

- Je pensais à toi.

Break s'excusa, l'air penaud. Et Danaé attendit la suite. Elle ne se contenterai pas d'excuses, oh ça non ! Même son petit câlin ne l'excusai pas plus. Il attrapa entre ses dents quelques-uns de ses crins et ajouta :

- Je pensais à toi.

Sans vraiment le vouloir, elle s'écarta un peu de lui. C'était trop subtil pour être perçu mais tout de même. La rouanne gardait toujours une certaine pudeur, et puis ... Break avait le don de créer des situations assez gênantes aussi. Ce n'était pas désagréable de savoir qu'elle occupait ses pensées, mais déroutant. Danaé stoppa son étreinte et recula de quelques pas. Retournant là où elle attendait l'étalon d'un pas rapide et sans se tourner pour voir s'il la suivait, elle s'arrêta près de la souche d'un arbre. Maintenant interdite et réservée, elle voulait garder une certaine distance entre Break et elle. Pour que les choses soient claires, elle ne comptait pas lui pardonner longtemps.

- Je ne pensais pas que tu viendrais ... dis-t-elle d'une voix qu'elle n'avait pas réussi à rendre sèche.

Mais c'était ainsi. Quoi qu'il pouvait se passer, elle n'arrivait pas à lui en vouloir plus que ça. Ça devait un petit truc qu'il avait, quelque chose dans son regard qui lui évitait les ennuis. Ou du moins les reproches.

- Je ne vois pas ce que je te trouve. Et je ne vois pas non plus ce que tu me trouves.

Et paf. C'était tombé comme un cheveu sur la soupe, et le manque de tact de la rouanne n'arrangeait rien. Elle fit volte-face et plongea ses yeux dans ceux du doré, attendant de sa part une réponse, quelque chose qui la fasse vibrer, comme toujours lorsqu'il la complimentait.

Elle recula, il ne comprit pas. Qu'avait-il encore fait ou dit ? Il lui avait avoué la vérité, la simple vérité. Il ne lui avait pas menti. Oui, il pensait à elle. Et c'était pour ça qu'il était passé devant elle, sans la voir. Parce qu'il pensait à elle. C'était idiot, mais c'était seulement la vérité. En y réfléchissant encore, Break se sentit mal. C'était paradoxal. Paradoxal, et tellement idiot.

La rouanne se détourna de lui, lui passant devant, comme il l'avait fait auparavant. Sans se retourner, sans lui lancer un seul regard. Il la suivit des yeux, quelques instants, penchant quelque peu sa tête sur le côté, les oreilles basses. Il se sentait fautif. Elle se stoppa, près d'une souche d'arbre et il hésita à la rejoindre. Finalement, il prit le pas, et vint doucement, très lentement, d'un pas hésitant, l'air penaud. Il s'arrêta alors à son tour, gardant une distance raisonnable entre elle et lui. Une distance trahissant des tensions qu'il ne voulait pas. Une distance qui lui faisait mal.
Elle parla et sa voix semblait balancer entre le sec et la douceur. C'était certain qu'elle lui en voulait, et qu'elle ne lui pardonnerait pas facilement. Il le savait et le comprenait. Il avait été idiot. De penser à elle, sans la voir. Break baissa un peu plus la tête, expressif. Et puis la deuxième remarque de la jument lui fit soudainement relever l'encolure et dresser les oreilles. Il réfléchissait à vive allure. Un tas de pensées traversa son esprit et pendant quelques secondes il garda le silence. Puis, il avança d'un pas, d'un seul. Vers elle.

- Moi non plus, je ne sais pas.

C'était idiot, comme réponse. Aussi idiot que de passer devant elle, sans la remarquer. Mais loin de lui l'idée d'en rester là. Il soutint le regard de Danaé, bien que ce ne soit ni provocateur, ni agressif. C'était juste doux, doux et tendre. Doux et sucré.

- Et c'est justement cela, que j'aime chez toi.

La rouanne eut un ronron silencieux. Mais comment donc faisait la gente féline pour s'empêcher de ronronner à longueur de journée. Pour sûr, si Danaé avait eu le ronronnement dans ses fonctions de base, elle ne pourrait pas se retenir de vibrer 24h/24. Satisfaite de la réponse du doré, elle vint à ses cotés en balançant la tête. Puis elle se coucha en vache si près de lui qu'elle sentait son antérieur et son postérieur droit. [Elle est dans le même sens que lui]. Passant sa tête tantôt entre les l'antérieur de Break, tantôt sous son poitrail, elle l'incita à se coucher lui aussi. Elle ne le laisserait pas en paix, et continuerait son manège jusqu'à ce qu'il cède. Se frottant contre son poitrail, ses genoux, et son épaule. Ce n'était même plus une ferme invitation, plutôt une obligation. Stoppant son manège, et le regarda d'en bas, et lui fit les yeux doux. Silencieusement, elle lu disait "Couche-toi *-*".

[On peut dire que tu te couches au bout d'un moment xD ? Sinon, dis-moi, je changerais !]

Quand il lui céda enfin, elle s'affala sur lui, et souffla sur sa crinière blonde. Sans y prendre garde, elle ronfla de bonheur. Puis, allongeant sa tête sur le sol, elle frissonna, pour se donner un bonne excuse d'être aussi collée à lui. Elle enroula sa tête et son encolure autour de l'antérieur de l'étalon, à la manière du cobra encerclant sa victime, lentement, doucement, et avec appétit. Sa chaleur naturelle se transmettait à Danaé, ravie d'avoir trouvé un petit soleil à porté de main.

Je n'aime pas trop chez toi. Elle fit la moue. C'est trop ... sec.

Elle tourna la tête aux environs. Alors que son royaume à elle lui avait toujours parut empli de vie, la montagne fertile lui paraissait sèche, désertique, presque hostile. Mais non pas dénuée de charme. Les hauteurs se découpaient dans le ciel bleu aussi bien qu'un ours brun en hiver. Levant les yeux vers la montagne, elle s'imaginait gravir avec ardeur et courage, atteignant le sommet avec toute la fierté dont elle était capable. Stoppant sa rêverie, elle reposa sa tête à coté de celle de l'étalon. Sans regard ni pour lui, ni pour quoi que ce soit, elle se recroquevilla sur elle même pour ne pas laisser s'échapper la chaleur qu'elle avait récupérée du corps de l'étalon.

- J'aime bien ton odeur, lâcha-t-elle finalement.

Break observait faire la rouanne, suivant chacun de ses mouvements avec attention. Elle revint vers lui, et il sut qu'il avait gagné. Elle revint vers lui, et il suivit son corps, posa son regard sur son visage, la dévorant visuellement. Danaé se coucha, contre ses jambes. Il baissa son encolure et huma son odeur, jouant quelque peu avec les crins de la jument, tandis que celle-ci lui chatouillait le ventre, sans vraiment le savoir, je suppose. Et puis, il croisa son regard, il vit son reflet dans les pupilles de la fille de l'eau, s'observa un moment... A quoi jouait-il ? Ne devrait-il pas se préoccuper de son royaume et de la guerre que Keïross allait surement déclarer, même si les Airs ne le désiraient pas ? Ne devrait-il pas s'interdire ce genre de jeux, pour se protéger, et la protéger elle aussi ? Le doré souffla doucement tout l'air contenu dans ses poumons, ses naseaux se dilatant ainsi. Il se coucha.

La jument s'affala contre lui, glissant son encolure et sa tête sur son corps chaud et brûlé. Break regardait au loin, devant lui, pensif. Danaé frissonna. Il vibra. Doucement, son regard se posa sur le sol, entre ses antérieurs. Puis sur le visage de la rousse qui s'enroulait malicieusement autour de sa jambe. Elle fit un commentaire sur son chez lui, son royaume, sa maison. Il sourit, seulement, penchant sa tête sur le côté, les yeux fixés sur cette demoiselle affectueuse et impétueuse. Danaé regarda alors à son tour le paysage, et Break se perdit dans ses pensées, ne la quittant pas du regard. Devait-il la protéger ? Était-ce égoïste de vouloir partager avec elle ces moments brûlants, et reposants ? Devait-il la rejeter pour qu'elle ne devienne pas une cible ? Elle savait qu'il était Maître du feu. Mais savait-elle tout ce que cela imposait ? Il en doutait. Il ne voulait pas la mettre en danger. Il voulait seulement qu'elle reste saine et sauve, et heureuse. Mais comment combiner les deux ... ?

Sa voix le sortit de ses songes.
Il lui sourit avec tendresse et posa sa tête sur l'épaule de Danaé qui venait de se recroqueviller sur elle-même. Quelques secondes passèrent, où le mâle observait avec douceur le visage qui faisait battre son cœur, rêveur. Il glissa ses naseaux dans le creux que formaient l'épaule et l'encolure de la jument, ferma les yeux et profita du contact physique de Danaé. Puis il revint à sa position d'origine, bien qu'il pencha sa tête sur le côté, pour poser sa ganache contre le corps de la rouanne.

- Et la notre, comment l'aimes-tu ?

Ce n'était plus une voix forte et imposante, pleine d'énergie. Ce n'était plus la voix qu'il utilisait avec tout le monde, ses amis, ses ennemis, sa famille. Elle était vibrante, douce, comme s'il avait peur de trop brusquer la jument, et aimante. C'était pour elle.

Break lui sourit et posa sa tête sur celle de la rouanne. Il cala ses naseaux sur l'encolure de Danaé, immobile. Elle ferma les yeux pour attendre, et ne les rouvrit que lorsqu'il lui sembla ne plus sentir le souffle de l'étalon sur ses poils roux. Il avait changé de position et lui avait demandé ce qu'elle pensait de leur odeur. Grosse perplexité de Danaé.

- Bonne question, je n'y ait jamais réfléchi, mentit-elle

Elle ne lui adressa pas un regard, gardant ses yeux dans le vide, et les naseaux grands ouverts, comme pour redécouvrir une nouvelle fois leur effluve. Puis elle se leva, sans mouvement brusque pour ne pas déranger le doré et fit volte face. D'un ton moqueur, elle rajouta :

- Je ferais une bonne menteuse ? lâcha-t-elle finalement.

Soudain, une goutte de pluie tomba sur son front, et elle loucha pour la suivre couler jusqu'à son museau. La goutte se détacha et entama son atterrissage sur le sol quand elle fut violemment stoppée à quelques centimètres du sol. Danaé l'éleva jusqu'à la hauteur de ses yeux, et mima la stupéfaction, comme s'il s'agissait d'un évènement tout à fait nouveau. La goutte s'envola au dessus des oreilles de Break et la rouanne relâcha l'étreinte qu'elle avait sur elle, laissant faire son travail à la gravité. L'eau se logea sur le bout de l'oreille droite de l'étalon, et Danaé lui adressa un petit sourire espiègle. Cette première goutte n'était que l'ambassadrice d'une averse à venir, et la jument balançait la queue de gauche à droite, la tête vers le ciel, attendant tout simplement que pleuve son élément.

Mais il ne fallait pas s'attendre à un déluge en plein territoire du Feu. La rouanne se satisfit de cette petite pluie fine, et profita de chaque gouttes d'eau en contact avec son épiderme. Se rappelant un instant qu'elle était accompagnée d'un élément inverse, elle s'enquit du confort de l'étalon :

- Tu veux peut être aller à l'abri ? Tu connais mieux tes terres que moi.

Elle se rapprocha un peu de lui et toucha les naseaux de l'étalon avec les siens avant de reculer un peu vivement. La pluie semblait la rendre plus ... froide.

Au fond de lui, il savait qu'elle mentait. Il lui adressa donc un regard taquin, et un sourire en coin, lorsqu'elle lui répondit. Elle ne le regardait pas. Pourquoi ? Regarde moi ! Regarde moi ! Ne m'aimes-tu pas comme je t'aime, moi ? Pourquoi ne me regardes-tu pas, Danaé ?
La jument se leva, il émit un ronflement bruyant, assez mécontent. Elle aussi, ne tenait pas en place. Elle se retourna, lui fit face, et lui posa une question, moqueuse. Break se releva vivement, en un saut de mouton, ne répondant pas. Il ne voulait pas la vexer ...

Heureusement pour lui, une fine pluie se mit à tomber. Une goutte sur le nez de Danaé, une goutte sur la croupe du stallion, et enfin, bouum, ça tombe, doucement. Mais la jument était d'humeur joueuse. Elle fit voler une gouttelette au dessus de la tête de l'étalon, qui finit au creux de son oreille droite. L'ayant suivi des yeux, Break secoua sa tête en couinant de mécontentement. C'était comme une mouche qui bourdonnerait vers son oreille !

Il releva la tête et prit une mine boudeuse, en lançant un regard vers la rouanne. Mais très vite, il ne put que lui sourire, attendri par l'attention qu'elle lui portait en s'inquiétant pour lui. Certes, il était de l'élément du feu, il préférait être au sec. Mais il était aussi un équidé, un être vivant, et ce n'était pas une petite pluie qui l'empêcherait de vivre. Il était quand même Maître du feu. Si la pluie avait été plus forte, il aurait vraiment ressenti un changement dans son corps, et cela l'aurait affaibli. Mais s'il devait fuir l'eau pour se sentir bien, comment pourrait-il vivre ?

Il ferma les yeux, quand elle vint toucher ses naseaux, et répondit dans un doux sourire.

- Ce n'est pas la peine.

L'ayant vu reculer, rapidement, il se rapprocha alors d'elle à son tour, et lui toucha le nez, avant de reculer lui aussi, secouant la tête. Break fit volte-face et marcha jusqu'au bord de la montagne, posant son regard sur les terres qu'il protégeait et chérissait. Elles étaient peut être sèches et peu accueillantes vu d'ici, mais il savait qu'elles recélaient de lieux particuliers et doux, très agréables. Il fallait juste prendre le temps de les trouver.

- Tu t'entends bien avec Keïross ?

Comme tous les étalons fiers et virils qui se respectent, Break refusa l'offre. Il lui tourna le dos pour porter, du haut de son observatoire, un regard à la fois protecteur et admiratif sur ses terres. Baissant les yeux pour ne pas s'introduire dans l'intimité de la relation que pouvait avoir un Maître avec son Royaume, Danaé baissa la tête et toucha le sol des naseaux. Elle s'amusait à souffler par les narines pour faire s'envoler de petites portions de cette terre toujours trop sèche à son goût. Et puis, Break lui demanda la nature de sa relation avec Keïross. Elle releva l'encolure, toujours gracieuse. Est-ce qu'ils s'entendaient bien ?

- Hum oui, je crois ...

On pouvait dire ça, non ? Et puis, sentant la question fatidique, elle réfléchit avant de rajouter :

- Il mérite son rang, alors, je lui ai confié ma vie. J'ai confiance en lui, et je crois qu'il l'a en moi. Mais en même temps, nos liens familiaux aident beaucoup ... Et puis, il m'intrigue. La dose du mystère fait partie du personnage, je ne saurais pas te dire si je préférerais l'inverse ...

Il lui avait évité le trépas, aussi. Elle omit de le mentionner, à la fois par fierté et par oubli. Elle avait la superbe faculté d'oublier le désagréable. Notamment la sensation enivrante qu'avait put avoir les écailles du serpents sur sa peau. Brr ! Danaé rejoint Break, et glissa sur de petits cailloux blancs. Pour se "rattraper", elle tomba sur l'étalon avant de se relever immédiatement. Rien vu rien entendu, ni vu ni connu ! Pour aller s'isoler un peu plus loin, elle prit un sentier qui montait en lacets régulier sur la montagne. Sans s'inquiéter du doré, qui ne pouvait tout de même pas se perdre sur ses propres terres, elle commença son ascension au petit trot. Enfin, plus ou moins. Au bout de 10 mètres de dénivelées (et c'est déjà pas mal), elle s'arrêta, essoufflée. Ok, elle n'avait pas la meilleure stratégie. Sans se décourager, elle continua au pas. Patiente, courageuse, et avide de ce qu'elle pourrait trouver au sommet, la rouanne accélérait le pas sans même en prendre conscience.

Et puis, elle se souvint qu'elle n'était pas seule. Un peu gênée, elle se tourna pour voir où était Break. Serait-il resté plus bas ou bien avait-il décidé de lui emboîter le pas ?

Danaé lui répondit bien calmement, et avant même qu'il ait pu lui poser une deuxième question, elle enchaina et complète sa première réponse. L'étalon brun médita quelques instants sur ses paroles. Il était vrai que Keïross était mystérieux. Et s'il ne l'était pas ? Peut être que tout le monde prendrait peur. Ou pas. A vrai dire, s'il ne cachait pas son désir de vengeance, le Maître de l'eau était assez effrayant. Il gardait ça en lui, et cela déplaisait beaucoup à Break. Qu'adviendra t-il lorsque la bulle explosera ?

Break reporta son attention sur la rouanne, lorsqu'elle tomba sur lui. Elle se rattrapa très rapidement, s'en écartant, et il afficha un sourire amusé, faisant quelques mouvements légers de la tête, sa crinière dansant sur son encolure musclée. Il la suivit du regard. Elle entama une montée au trot, et sembla s’essouffler vite. Break fit deux pas vers elle, curieux de savoir où elle voulait aller. Danaé reprit sa marche, au pas cette fois-ci et il lui emboîta le pas, s'arrêtant juste avant la montée. L'avait-elle oublié ?

Non. Elle s'immobilisait. Et elle se retourna, pour le voir. Aussitôt, le doré grimpa la petite pente en faisant rouler des cailloux sous ses sabots. Il rentra exprès dans les fesses de la rousse, et posa sa tête sur sa croupe, avant de reprendre une allure vive, la poussant alors vers le haut. La colline n'était pas bien haute. Ils n'en avaient plus pour longtemps à grimper. Alors, il en profitait. L'entier recula un peu tout de même, après quelques foulées dans les fesses de la fille de l'eau. Il ronfla bruyamment, semblant soupirer et porta son regard sur ses terres, continuant de marcher. Peut être s'ennuyait-il. Il ne savait pas vraiment si Danaé se prêtait au jeu. La dernière fois, elle y avait mis bien vite fin.

Danaé eut un petit ronronnement (oui oui !) de contentement. Break montait à son tour. Alors elle son regard quitta l'étalon pour se poser sur les terres du Maître du Feu. Tout de même, il y avait un certain prestige. A passer son après midi avec quelqu'un de cette classe je veux dire. Il était connu de tous, viril, possédant un pouvoir entier sur son élément, et véritable gentlem... Bam ! Gentleman ? Elle allait vraiment dire ça ? Dire ça de celui qui venait de lui rentrer dedans ? Elle allait se retourner pour lui expliquer que ce n'étaient pas des choses dignes d'équidés adultes quand elle sentit une pression sur son arrière train. Il la poussait ! Contrainte de monter sous la force de l'étalon, elle grimpait sans même pouvoir compter ses pas. Horrifiée de voir le sommet de la colline s'approcher si vite, elle freina des quatre fers sabots.

Mais Break avait quitté la croupe brune, pour contempler silencieusement le paysage, avant de reprendre sa route. Laissant Danaé, perplexe derrière lui.

- Tu ne comptes pas partir comme ça quand même ?

Elle le rattrapa au petit galop (il n'était pas trop loin é-è) et attrapa sa queue blanche avec les dents. Avec une légère pression vers le bas, elle le contraint à s'arrêter. C'était ça ou avoir mal. Elle lâcha son précieux paquet, dépassa l'étalon et se tourna face à lui.

- Et maintenant, tu t'excuses. Je suis une dame moi. De sang royal en plus.

Arborant un sourire typiquement supérieur et féminin, elle le regarda dans le blanc des yeux pour le faire plier. Puis, elle tourna le dos à l'étalon, recula jusqu'à ce que ses fesses touchent le poitrail du doré, et ajouta :

- Et puis tu assumes aussi. On va tout là-haut. Alors tu montes. La colline je veux dire.

Et elle resterait silencieuse jusqu'en haut. Jusqu'à ce qu'il la monte. La colline toujours. Il l'a pousserait au sommet, ou elle descendrait elle même.

[Je suis dég', j'ai effacé ma réponse d'hier, et j'ai pas eu le courage de la retaper --']

Quelques foulées de galop. Break posa son regard sur Danaé, qui le rattrapait. Il sourit, puis glissa son regard devant lui, alors qu'elle arrivait derrière sa croupe. Il s'apprêtait à prendre le trot quand elle lui tira la queue. Par réflexe, le mâle leva les pieds sous son ventre. Il ne l'aurait pas frappé, mais ce n'était pas agréable que quelqu'un vous tire les crins de la queue. Surtout que la jument semblait quelque peu frustrée. Vexée. Sans qu'il puisse avoir une autre réaction, elle le toisa, devant lui.
Des excuses ? Une dame ? De sang royal ?
Un sourire amusé étira les lèvres de Break. Ces mots n'avaient aucun sens à ses yeux. Danaé n'était pas plus de sang royal qu'un autre être de l'eau, comme Break n'en avait pas plus qu'un autre membre du feu. Ce n'était pas parce qu'ils étaient liés à des Maîtres des éléments, qu'ils étaient de sang royal. Ça ne voulait rien dire, en fait.

Danaé lui sourit, hautaine. Il pencha sa tête sur le côté et lui sourit. Non, il ne flancherait pas. Elle n'avait simplement pas d'humour. Il fallait qu'il remédie à ça. En haut de la colline. Oui.
Mais soudain, elle fit volte-face, et recula. Break eut alors lui aussi un mouvement de recul, mais pas assez rapide. La croupe de Danaé se retrouva juste sous son nez. Il ronfla. Que faisait-elle ? Son poitrail ainsi collé au corps de la fille de l'eau, le Maître du feu se sentait tout drôle. Enfin, il connaissait bien cette sensation. Elle voulait qu'il monte. Oui madame ! La colline. Ah... Break secoua sa crinière en tout sens, pour se remettre les idées en place et pinça de nouveau les fesses de Danaé, avant de se mettre à la pousser, encore. Ronflant alors pour se remettre en marche, il forçait sur ses postérieurs et faisait rouler quelques cailloux sous ses sabots.
Progressivement, il prenait de la vitesse. Elle allait voir de quoi il était capable. Il finit au trot, au petit trot, glissant sur le sol sec, mais avançant tout de même à une allure soutenue. Ses muscles roulaient sous sa peau, tendus. Il avait posé sa tête contre une des cuisses de la jument, et la poussait vers le haut.
Il n'en avait plus pour longtemps. Il fallait qu'il tienne. C'était ça, ou se rendre ridicule fasse à elle, ce qui était... Intolérable !

Quand elle sentit une pression sur sa croupe, Danaé reprit la marche. Sans trop se presser ni faciliter l'avancement. C'était à Break de fournir des efforts. L'étalon avançait, courageusement, sans se défiler, et la jument n'avait qu'à se laisser porter par l'impulsion qu'il lui donnait. Accélérant pour le bien de son ego, il commençait à transpirer, et la rouanne pouvait sentir sa sueur contre sa croupe. Il n'en était que plus diaboliquement viril. Elle sentait aussi les battements de son cœur et sa respiration, qui s'accéléraient sous l'effort. Se laissant complètement pousser par l'étalon, elle avait stoppé tout mouvement réfléchi et commandé. Ses jambes avançaient toutes seules, sous le poids du doré. Sentant leur objectif s'approcher à grands pas, elle réfléchit à ce qu'elle pourrait offrir à l'étalon. Finalement, il avait réussi son "pari", il l'avait poussé jusqu'en haut. enfin, quasiment. Elle avait presque posé le sabot dessus lorsque son idée s'échappa de son esprit. Ils étaient arrivés, et le spectacle qu'elle avait d'en haut avait aspiré ses pensées. Le souffle coupée, comme happée par la vue, elle se détacha lentement du doré, laissant quelques-uns de ses poils bruns sur son poitrail au passage, et rejoint le précipice. Ou du moins, le "trou" : on ne pouvait pas encore parler de réel "précipice", mais la pente état plus plus rude que par le sentier et la chute, mortelle.

Comme envoûtée, la rouanne s'approcha du bord jusqu'à son point le plus extrême : ses sabots antérieurs quittaient presque le sol. Mais le vent en altitude était fort et, parfois, elle se laissait à peine tomber dans le vide pour se faire rattraper par son souffle.Quelques fois, elle se laissait presque tomber réellement dans le vide. Quitte à faire peur à Break. Ça ne pouvait pas lui faire de mal, au contraire, à ce faux gentleman. Il était différent de tous les étalons que Danaé pouvait côtoyer jusqu'à maintenant. Des membres du Royaume de l'Eau, tous. Fidèles à ce que l'on disait d'eux, ils étaient silencieux, mystérieux, calmes, et galants. Surtout ça. Un peu à l'image de leur Maître, mais en un peu moins rongé par le désir de vengeance. Juste un peu moins. Alors que Break, lui, était tout ce que l'on pouvait s'imaginer d'un Maître du Feu : chaleureux, énergique, amical, tout chaud aussi. Les êtres du Feu et de l'Eau étaient aussi différents que leur élément. Danaé baissa les yeux. C'était stupide comme comparaison. Froidement, sans vraiment réfléchir, elle dit :

- J'ai croisé la Maîtresse du Feu dernièrement. Elle est jolie.

Ça aussi, c'était stupide. Mais pas puéril. Ça, jamais. Danaé éradiquait avec attention toute trace d'immaturité essayant de pénétrer son esprit. Et pourtant, Break avait déjà réussi à en implanter des bourgeons, qu'elle s'efforçait de faire faner. Elle voulait rester sérieuse et mature. Ne pas jouer, ne pas sautiller, ne pas être enfant. Mais ces paroles soulevaient quelque chose d'important chez elle. Une inquiétude, qui cherchait à la broyer chaque jour un peu plus. Elle frissonna. Décidément, le vent était vraiment fort ... Alors, sans réellement s'occuper de ce que pouvait bien faire l'étalon, elle s'abrita derrière un grand rocher, qui coupait le vent. Elle continua :

- Désagréable. Mais jolie.

Elle chercha le doré des yeux, pour voir sa réaction, mais ne le trouvait pas. Sans vraiment qu'elle y prête attention, ses oreilles se couchèrent contre sa nuque, et sa queue se colla contre ses fesses. Où pouvait-il bien être passé ?

Oui, il était parvenu à la pousser jusqu'en haut. Mais à quel prix ? Transpirant, sa robe chocolatée trempée de sueur et d'écume, il soufflait fort quand la jument se détacha de lui pour s'avancer sur la falaise. Il releva la tête, et l'observa, reprenant son souffle et un peu de contenance. Elle se laissait tomber vers l'avant. Il s'avança brusquement vers elle. Mais le vent souffla, et Danaé fut repoussée vers l'arrière. Il s'immobilisa donc, soulagé, le regard fixé sur elle. Elle semblait s'amuser, simplement. A se laisser attraper par le vide, ou bien à lui faire peur ? Peut être les deux. Surement.

Et puis, elle parla. Froidement. D'abord, Break pencha sa tête sur le côté, se demandant pourquoi elle lui disait cela. Et puis, il réfléchit. Serait-elle jalouse ? Danaé vint s'abriter derrière un grand rocher. Break la suivit, mais s'arrêta à une certaine distance de la rouanne. Elle rajouta que la Maîtresse du feu était désagréable. Elle était donc bien jalouse. Un sourire amusé se dessina sur le visage du doré. Il s'approcha de Danaé, taquin.

- Serais-tu jalouse, Naé ?

Il effleura ses naseaux des siens, avant de tourner la tête vers son royaume, souriant toujours. Malicieux.

- Oui, elle est jolie. Mais peu sûre d'elle concernant ses pouvoirs.

Break posa son regard sur la rouanne.

- Je n'ai pas eu l'occasion encore de m'entretenir avec elle.

Il ne l'avait vu que pour la cérémonie du Maître de la terre, Delomnas. Et encore, ils n'avaient presque pas échangés un mot. De ce qu'il se rappelait, elle était fine et légère, et d'une robe noire ébène. Mais très maladroite. Il doutait de ses capacités à gouverner le royaume du feu. De toute manière, il paraissait qu'elle avait soudainement disparue, ces derniers temps.

La jument sursauta lorsqu'elle l'entendit. Elle chercha le doré du regard : Break semblait être à demi-amusé lorsqu'il lui répondit. Quand à la rouanne, elle était plutôt à demie-satisfaite.

- Jalouse ? siffla-t-elle. Avec un regard empli de défi, elle continua : Vos relations intimes ne me regardent pas, tout comme les miennes ne doivent pas vous intéresser, n'est-ce pas Maître du Feu ?

Un sourire crocodilien accompagna le timbre de sa voix, solennel et chevaleresque à l’extrême. Elle l'avait même vouvoyé pour parfaire son discours. On aurait dit une parfaite ambassadrice : respectueuse autant qu'ironique. Danaé s'approcha du doré en balançant l'arrière train de façon aussi ostentatoire que possible, et le rejoint sur son coté droit. Elle se frotta avec force contre lui pendant une dizaine de secondes et recula pour retourner derrière son abri. D'un air enjoué, elle dit :

- Que dira-t-on lorsque l'on saura que l'honorable représentant du Royaume du Feu vient régulièrement goûter l'herbe du voisin ? Certes, elle doit être bien plus verte et vigoureuse que celle de chez lui ...

Et paf, ça, c'était une dédicace spéciale pour sa rivale. Enfin non, pas sa rivale. Parce qu'il n'y avait bien entendu absolument rien, ni entre Break et son homologue féminine, ni entre lui et la rouanne, n'est-ce pas ? Le souffle du vent commençait à se tarir, alors Danaé sortit de derrière sa grande pierre. Elle le visa de ses petits yeux sombres, avant de les lever au ciel et de lui tourner le dos. Décidément, la vie équine était bien compliquée.

Break l'observa faire, mi-amusé, mi-blasé. Elle jouait avec le feu. Peut être le savait-elle. Peut être pensait-elle ne pas se brûler aussi. Mais il ne fallait pas pousser le bouchon trop loin, au risque d'ouvrir la bouteille de champagne, et de voir gicler tout le précieux liquide pétillant (haha, je sais pas pourquoi j'ai écrit ça).
Le doré releva quelque peu la tête, quand la jument se frotta contre lui. Ses oreilles pivotèrent en direction de sa croupe, quelques secondes. Il n'aimait pas trop ça finalement.
Danaé disparut derrière son abri, une nouvelle fois. Piquante, encore. Il tiqua. Elle était allée trop loin.

La rouanne sortit de derrière son rocher, le vent se tarissant doucement. Elle le regarda, puis lui tourna le dos. Elle pouvait donc noter son manque de réaction flagrant.
Intérieurement, Break hésitait. Il se retenait de hausser la voix et de la remettre à sa place, pensant qu'elle prendrait surement très mal. Mais finalement, n'était-ce pas elle, qui l'avait cherché ?

- C'est exact Danaé. Nous ne sommes en rien liés, je n'ai donc aucun droit sur la nature de tes relations.

Pour l'instant, il se contenait encore, pensant plus sage de ne pas se mettre en colère tout de suite.

- Et je pourrais t'expulser tout de suite hors de mon royaume, pour mettre un terme à toute cette histoire, si c'est ce que tu souhaites.

Ce que Danaé n'avait pas su, lorsqu'elle avait parlé, c'était qu'elle venait de toucher une corde sensible de l'étalon doré. Je n'en dirais pas plus, bien sûr. Il tient à ce que cela reste secret.

- Ne joues pas trop avec le feu, Danaé.

Un ton froid, inhabituel chez lui. Non, il ne riait plus. Il avait fini de jouer.

[Ceci est mon 666ème message.]

La bouteille de champagne, c'était énorme xD 666ème ? Ah oui O-O Oh mince xD


La rouanne tourna les oreilles vers le doré, attentive. Même de dos, elle était assez intelligente pour comprendre que quelque chose dans sa voix avait changé.

- Et je pourrais t'expulser tout de suite hors de mon royaume, pour mettre un terme à toute cette histoire, si c'est ce que tu souhaites.

Ah ? L'expulser, vraiment ? Toujours froidement, il continua :

- Ne joues pas trop avec le feu, Danaé.

Lentement, ses oreilles pivotèrent vers l'avant. Puis vers l'arrière. Son sabot postérieur gauche, au repos quelques secondes auparavant, repris contact complet avec le sol. Campée sur ses quatre membres la Danaé. La menace de Break avait plutôt bien joué son rôle. Avec calme et sérieux, elle répondit :

- Tu oserais ?

Oui, là était toute la question. Étaient-ce des paroles en l'air ou bien l'étalon serait-il prêt à prendre les mesures nécessaires pour qu'elle déguerpisse de son territoire ? Elle tourna sur place pour le voir de face. Plongeant ses yeux bruns dans ceux du Maître du Feu.

- Oh oui, tu oserais.

La rouanne gardait une voix dénuée de toute animosité. Bizarrement, son coeur n'en était pas autant touché que son orgueil. Le petit jeu du doré était devenu tout ce qu'il y a de plus clair. Telle la vieille Némésis du Royaume de l'Eau, Danaé se sentait trompée. Break était faux jusqu'à la moelle. Elle ne se remettrai pas en question, oh ça jamais. Pour elle, aucun doute, tout n'était que calculation depuis le début. Ses dents se serrèrent. Tout ce qu'elle avait put éprouver pour l'étalon ces derniers temps laissèrent place aux sentiments quelle avait d'abord eut pour lui. Elle se revoyait dans la forêt aux milles lucioles la veille. Sa haine, sa colère, sa peur surtout. Peur de mourir. Portée par son instinct, elle ne l'avait haï que pour cela. Jusqu'à ce qu'il parvienne à enterrer ses vieux ressentiments. Si sa physiologie le lui avait permit, Danaé aurait voulu vomir. Déglutir sur ses augustes sabots de Maître.

- Tu n'as qu'un mot à dire. Qu'une seule phrase à prononcer Break. Et je m'en irais. Tu es maître de ces lieux comme tu l'as été de ...

Mon coeur

[color:b839=#008080- ... rien, se reprit-elle.

Même maintenant, il restait ... ce qu'il était. Celui pour qui elle aurait put craquer. Impossible de le haïr de nouveau, et pourtant, si. Et puis non. Dilemme.

Tout de suite après avoir parlé, Break sentit un changement d'attitude de la part de la jument. Il releva la tête, attentif à sa réaction prochaine, mais toujours sur le qui-vive d'une réplique cinglante, les oreilles tournées vers sa croupe, la queue panachée pourtant, en un parfait carré dessiné entre ses quatre membres.
Il oserait ? Elle se retourna et planta ses prunelles dans celles du mâle. Oui, il oserait. Elle avait raison. Il ne disait jamais rien en l'air. Il pesait ses mots. Mais il ne fallait pas le pousser trop loin, non plus. Il se pouvait aussi qu'il change d'avis. Ça lui arrivait aussi. Mais Danaé s'enfonçait, encore, et tapait sur le clou, sans relâche, surement pour voir si elle parvenait à le faire traverser de l'autre côté de la planche de bois.

Plusieurs émotions traversèrent le visage de la jument rouanne et Break se prit à se demander ce qu'elle pouvait bien penser. Doucement, une de ses deux oreilles pointa en direction de la fille de l'eau, et il dilata ses naseaux, tendu. D'un coup, il sentait très mal ce qui arriverait prochainement. Il ne savait pas, c'était comme ça. Un pressentiment. Qu'elle reste silencieuse ainsi, un instant, rien qu'un instant, même une infime pause, ce n'était pas bon. C'était même très mauvais. Break recula d'un pas.

Tu n'as qu'un mot à dire. Qu'une seule phrase à prononcer Break. Et je m'en irais. Tu es maître de ces lieux comme tu l'as été de ...

Pause, encore. Quoi, encore ? Comment ça ?

... Rien.

Quelque chose de mal, non ? Quelque chose qui cloche. Il pencha sa tête sur le côté, fixant toujours la jument de ses prunelles de feu, brûlantes, brillantes, trahissant ses émotions, sa tension, son énervement, son inquiétude. Et pourtant, tant de choses encore inconnues, passionnées, tellement douces. Et pourtant, tellement de choses qu'il aurait pu lui offrir, si seulement elle n'était pas aussi têtue. Si peu confiante en lui. Car c'était bien cela la jalousie. Un manque de confiance... Mais un désir de possessivité.

- Alors vas t-en.

Voilà. C'était dit. Une pause lui aussi. Il l'imitait. N'en avait-il pas le droit ?

- Avec moi.

Enfin.
Bref.

Timidement, deux pas vers l'avant, brisant une seconde fois le carré, le parfait, pour aller vers ce qu'elle était, imparfaite. Et pointer ses oreilles vers elle, si parfaite.

Là voilà !

Break semblait plus calme. La rouanne pourtant, n'était toujours pas détendue. Au contraire, elle n'en était que plus méfiante. Il l'avait dupé une fois, il pouvait le refaire. D'autant que les étalons sont maîtres à ce petit jeu-là. Lorsqu'il lui ordonna de s'en aller, elle se retourna, sans demander son reste. Sans sourire ni défaillir, elle ne lui ferait pas ce plaisir, elle était complètement normale et plate. C'était étrange tout de même, la situation s'était allégée, mais l'étalon l'avait tout de même chassée. Elle avait pris le pas, et commençait sa descente, qui serait assurément bien plus facile que l’ascension, même si le doré l'avait aidé à monter. Comme quoi, il est plus facile de couper les ponts que de les construire !

- Avec moi, rajouta t-il

Danaé ne put empêcher ses oreilles de se tourner vers l'arrière pour écouter. Elle entendit deux foulées de l'étalon mais continua sa marche. Le Maître du Feu lui avait ordonné de quitter ses terres, elle les quitteraient. A lui d'avancer plus rapidement s'il voulait la rejoindre. La descente se faisait de plus en plus rude et, plusieurs fois, elle dérapa sur de petits cailloux, se rattrapant toujours de justesse pour ne pas pas se renverser. Et ils roulaient, les petits cailloux délogés. Dévalaient la pente, emportant avec eux de petits morceaux de montagne. S'écrasaient sur le sol, enfin, condamnés à redevenir ce qu'ils avaient toujours été : de pauvres petits êtres incapables de se mouvoir par eux-mêmes.

Sans sourire, la jument éprouvait quand même une petite fierté personnelle. Ce n'était peut-être pas totalement perdu. Et pourtant, ce sentiment était surplombé de tristesse qui, telle les vagues du lac d'eau salé, emportait tout sur son passage. Sans réellement savoir s'il était vraiment à ses cotés, la rouanne lui dit :

- Tu es étrange en ce moment ...

Sa voix était vide, monocorde. Maintenant qu'elle avait vu le coté obscur de la force de Break, ça lui était difficile de ne pas redevenir elle-même. La Danaé calme et mature. Qui ne jouerait plus ni à cache cache, ni à chat avec le doré.

- Tu fais ce que tu veux, je n'ai pas dit le contraire. Mais ...

Elle stoppa sa phrase lorsque la terre fut de nouveau plate. Voilà, altitude 0. La rouanne avait presque totalement exaucé le voeu du doré, restait encore à sortir totalement de son territoire. Elle s'arrêta, histoire de s'orienter, du moins de faire semblant puisqu'elle était totalement dénuée de sens de l'orientation, et prit un chemin sur sa gauche. Arf, ça devait bien amener à des terres neutres un jour ou l'autre !

Elle se retourne et s'éloigne. Break baisse les oreilles. Elle ne s'arrête pas. Elle continue de descendre. Il renâcle. Non, il ne veut pas la suivre. Il en a marre de tout faire pour elle, et de ne rien recevoir en retour. Madame fait sa petite princesse, sa peste. Et bien, qu'elle le fasse toute seule. Lui, il en a marre de faire le pigeon. Break ne bouge pas. Il ne bougera pas.

Et les minutes passent. Et la rouanne disparait de son champ de vision. Elle ne reviendra pas. Bien sûr, elle ne mettra pas son orgueil de côté pour le rejoindre. Non bien sûr, elle ne le fera pas. C'est bien trop dur pour elle. Il ne compte pas autant. Il ne le mérite pas. Bien sûr. Break fait volte-face et s'avance vers le bord de la petite falaise. Il porte son regard sur son royaume. Aride, mais magnifique. Il n'a pas besoin de ça. Il a déjà tout un royaume à ses pieds. Pour lui. Il a déjà une famille. Se dit-il. Espérant peut être se remonter le moral. Elle ne reviendra pas. Il ne compte pas assez pour elle. Après tout, son orgueil vaut bien mieux que l'étalon doré.

Oui, il en a marre. Il vient de faire un effort pour elle. Il venait tout juste de baisser ses armes et de s'agenouiller devant elle. Et que fait-elle ? Elle lui crache dessus. Alors, non, il n'ira pas la chercher. Qu'elle parte. Qu'elle s'en aille. Il ne mérite pas d'être traîné comme elle le fait. Il ne veut plus, il n'en peut plus. Il en a marre de faire le chevalier servant, sans jamais rien recevoir en retour. Quoi ? L'amour c'est donner sans espérer recevoir ? Non, l'amour ce n'est pas ça. Que de belles phrases, toutes faites, bien faites, qu'on pourrait lui jeter à la figure. "Si tu l'aimes vraiment, tu devrais la rattraper, sinon c'est que tu ne tiens pas à elle !". Non. L'amour ce n'est pas ça. "Si tu l'aimes vraiment, tu devrais lui pardonner, sinon, c'est que tu ne tiens pas à elle !" Non. L'amour ce n'est pas ça non plus. "Si tu l'aimes vraiment, tu devrais te taire, encaisser et sourire, sinon, c'est que tu ne tiens pas à elle !". Non, l'amour ce n'est pas ça. "Si tu l'aimes vraiment, tu devrais tirer un trait sur cela, et la rejoindre, sinon c'est que tu ne tiens pas à elle !". Non, l'amour ce n'est pas ça.

Quand on aime, on espère toujours recevoir de l'autre. Break ne se sentait pas aimé. Enfin si, mais seulement lorsqu'il allait dans le même sens que Danaé. Et si jamais, ô grand jamais, il osait s'éloigner du chemin qu'avait décidé de suivre la rouanne, et bien, elle se retournait contre lui et le reniait. Est-ce cela l'amour ? Non.
Quand on aime, quand on aime vraiment, aussi fort qu'on le peut, on est prêt à tout, à absolument tout. Break était prêt à tout. Mais quand on aime, il ne faut pas se voiler la face. Aimer, ne veut pas dire se laisser de côté. Il y a des limites à cela. Aimer, c'est un verbe que l'on conjugue uniquement au pluriel. Il n'y a pas d'amour au singulier. Sinon, cela n'est pas de l'amour. C'est de la manipulation.

Peut être qu'elle ne se rendait pas compte du mal qu'elle lui faisait. Peut être que pour elle, cela ressemblerait à une trahison. Mais Break ne voulait pas de cela. Il ne se sentait pas respecté, pas aimé. Il ne se sentait pas bien, voilà tout. Il n'y en avait que pour elle. Uniquement elle. Et lui dans tout ça ? Pourquoi se serait une nouvelle fois à lui, de descendre la colline pour la rejoindre ? Pourquoi se serait une nouvelle fois à lui, de se jeter à ses pieds, pour réclamer son pardon ? Non, l'amour ce n'était pas ça. Et si c'était réellement ça, alors il n'en voulait pas.

Jalouse, surement qu'elle l'était. Et alors ? Cela marchait pour elle aussi. Si elle l'aimait vraiment, elle n'avait pas à douter de lui. Si elle l'aimait vraiment, elle saurait que jamais il ne la trahirait. Peut être juste un jeu de séduction rien de plus. Parce que c'était un besoin chez lui. Il avait besoin de se sentir aimé et admiré, pour être bien dans sa peau et avoir confiance en lui. Oui, c'était bête, mais il était ainsi. Et ce n'était pas la peine de l'attaquer sur ce sujet là. Elle l'avait cherché. Elle l'avait trouvé. Et c'est elle qui demandait à ce qu'il s'excuse ? Qu'elle ouvre les yeux un peu. Elle n'était pas le nombril du monde.

Break soupira. Il ouvrit les yeux. Car il les avait fermé pour réfléchir. Et cacher les larmes qui perlaient doucement. Il les chassa, d'un geste de la tête. Non, ce n'était pas cela l'amour. Et Danaé devait en prendre conscience. Peut être qu'elle ne comprendrait pas. Et elle ne comprendrait surement pas. Et dans ce cas, tout serait fini.

Le mâle fit demi-tour de nouveau et marcha, de long en large, faisant les cent pas. Depuis combien de temps était-elle partie ? Assez longtemps pour ne pas revenir vers lui. Il s'arrêta, et leva la tête vers le ciel. C'est fini. Il le sait et le sent. Son cœur hurle à la mort, déchiré, en lambeaux. Et si c'est cela l'amour, alors, il n'en veut pas.

La rouanne continuait sa route sans se douter des résolutions du doré. Comment l'aurait-elle put ? Son esprit était-il trop étroit ou bien était-ce ses pensées qui avaient toujours été démesurées ? Toujours est-il que personne ne répondait. Sans pour le moment se retourner, Danaé prit la parole :

- Break

Toujours aucune réponse. Il devait surement jouer une fois encore. Elle s'arrêta et constata qu'il n'y avait pas de bruit de sabot derrière sa croupe ni même à ses cotés, alors, cette fois, elle fit volte-face. Toujours aucune trace du doré. Et pourtant, il est là, elle le sent, elle le sait, du moins elle le croit. Caché, dissimulé à ses yeux, mais l'étalon était autour d'elle. Il lui semblait même entendre ses naseaux s'ouvrir au rythme de sa respiration. Il y eut un bruit dans un buisson à une dizaine de mètres, et Danaé leva les yeux au ciel. Lasse, elle dit :

- Break, je t'ai entendu. Je n'ai plus envie de jouer, sort de là.

Mais visiblement, le doré campait sur ses positions, caché dans les broussailles, et toujours silencieux. Impassible, elle continua :

- Je te dis que je t'entends. Que je te sens. Et même peut-être que je te vois. Tu n'es pas drôle.

Cette fois, la rouanne obtint réponse. Gambadant avec d'agiles petits sabots fendus, un chevreuil sorti des fourrés et traversa le sentier. Elle tiqua et fit un tour sur elle même. Rien ... et pourtant, elle en avait été tellement sûre. Les lieux portaient en eux-mêmes cette effluve particulière. La sienne. Tout ici lui rappelait le Maître du Feu, comme si son territoire avait prit sa propre odeur. La jument eu un rire nerveux. La Montagne Fertile l'avait trompée. Il était étrange de constater à quel point un Royaume peut s'attacher, ou pas, à ceux qui en prennent la tête. Songeuse, elle se demanda si les marécages avaient pris son odeur et celle de sa soeur, elles qui y passaient une grande partie de leur temps. Moins depuis qu'Ynix était devenue Maîtresse de l'Eau, certes. Il faudrait penser à vérifier, la prochaine fois.

Danaé revint sur ses pas. Il n'était surement pas loin. Il n'était pas loin tout court même. Mais au fond d'elle, elle sentait qu'il ne s'agissait toujours que de la même tromperie. Ici, et là, l'odeur des êtres du Feu pénétraient ses naseaux, tentant de la persuader qu'ils étaient là, autour d'elle. Bien présents, bien vivants, alors qu'ils n'étaient que fantômes et mirages. Elle continuait son chemin en sens inverse, d'un pas ni lent ni rapide. Lorsqu'elle fut enfin arrivée au pied de la Montagne, il lui semblait que les lieux étaient bien moins hospitaliers cette fois-ci que la précédente. La journée avait bien avancé, et dans quelques heures, le Soleil finirait sa course vers l'Ouest. Et, maintenant qu'elle était seule et que l'astre solaire commençait à se cacher derrière la Montagne, celle-ci lui paraissait bien plus pentue et difficile à gravir. Elle tourna la tête vers l'arrière, comme pour être sûre que le doré n'était pas derrière elle : il fallait dire ce qui était, se crever en en montant une deuxième fois ne faisait pas partie de ses fantasmes du moment, alors s'il avait été derrière elle, Danaé en aurait été bien plus que soulagée. Mais l'étalon persistait à demeurer invisible.

Alors elle hennit. Appela. En espérant qu'il n'était pas déjà parti gambader on ne sait-où.

Break s'apprêtait à partir à son tour, certain que la rouanne ne reviendrait pas sur ses pas. Il prendrait un autre chemin, pour être sûr de ne pas la croiser ou d’apercevoir sa silhouette au loin. Il ne voulait pas subir cette douleur, ce pincement au cœur. Au fond, il le savait, c'était lâche. Mais c'était comme ça, il ne voulait pas faire face.
Un caillou roula dans d'autres, descendant à vive allure la pente que Break s'apprêtait à emprunter. Il s'arrêta. Il sentait sa présence. Il la ressentait, au plus profond de lui. Dans ses sabots, la terre qui vibrait, sa terre qui vibrait. Dans ses crins, le vent qui soufflait, le vent chaud qui s'abattait sur sa peau. Sa présence, partout, mais surtout là bas, en bas. Il savait, il sentait. Elle lui disait, elle le savait aussi. Break fit volte-face. La montagne lui parlait. Il la sentait vivre au dessous de lui. Il ferma les yeux, savourant cet instant. Un hennissement.

Ses pupilles s'ouvrirent au monde, alors. Sa crinière se mit à crépiter furieusement. Il ne viendrait pas. Elle viendrait à lui. Break colla ses oreilles contre sa nuque. Lui aussi, pouvait se montrer têtu. Il ne changerait pas d'avis et ne viendrait pas la trouver. Il faudrait qu'elle grimpe. L'étalon s'approcha du chemin que Danaé allait emprunter. Son regard se porta sur le sol. Elle viendrait à lui.

Et soudain, les flammes jaillirent. Puissantes, colériques. Break était le seul à pouvoir générer ses propres flammes. Une partie de son âme qu'il offrait au monde. De son corps, c'était ses émotions qui en émanaient, sous forme de chaleur. Elles dansaient, autour de lui, il releva la tête. Elle viendrait à lui.
Le feu virevolta et se rua sur la pente. Là, tout en bas, Danaé. Il savait. Il sentait. Maintenant, il la voyait. Le feu sans la toucher, sans la brûler, l'entoura alors, se posant dans une étincèle sur le sol derrière elle. C'était simple, elle ne pouvait fuir. Le sol aride du royaume du feu l'empêcherait d'user de sa magie. Break était maître ici. Les flammes léchèrent alors les cuisses de la rouanne, doucement, comme une caresse brûlante. Elle viendrait à lui.

Break se retourna, pour faire face à sa terre, son royaume, la tête haute. Le feu émanait de son corps, parfois. Il attendrait.